Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/357

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
347
dans l’austmannadal.

Enfin, par-dessus son épaule, apparaît une corne ; cette vue nous cause la joie la plus vive. Les Lapons exultent : ils vont enfin pouvoir goûter de leur mets de prédilection. Balto se met à danser, ne sachant comment exprimer sa joie.

« La marmite est mise incontinent sur le feu. Il y a une heure à peine, nous avons mangé la bouillie, néanmoins nous avons un tel appétit que toute la portion du renne apportée par Silas est bientôt dévorée. Nos estomacs étaient véritablement élastiques, et toute la journée nous ne songeâmes qu’à la victuaille. Nous avions tellement souffert de la faim sur l’inlandsis ! »

« À partir de ce moment, la vie nous semble meilleure, écrit Balto, et nous commençons à oublier les fatigues et les souffrances endurées sur le grand désert de glace.

« Pendant plusieurs jours encore aucune embarcation n’apparaît sur le fjord. La tempête soufflait dehors pendant qu’ici, au fond de la baie, nous jouissions d’un temps magnifique. »

« Le 11 octobre, à sept heures du matin, écrit Dietrichson, je fus tiré d’un sommeil profond par des salves. Évidemment les embarcations arrivent ; je sors de mon sac, saisis un fusil, le charge et, passant la tête hors de la tente, lâche un coup en l’air en réponse au signal. En un clin d’œil, nous sommes tous habillés. Une bande de 14 hommes et femmes arrive en babillant bruyamment et en déchargeant en l’air leurs fusils. Une fois la troupe près de nous, l’un d’eux m’annonce, moitié en danois, moitié en grönlandais, qu’ils sont venus nous chercher avec deux canots.

« Jamais le campement n’a été levé aussi rapidement qu’aujourd’hui. En quelques minutes les sacs sont bouclés, et chacun se dirige avec un ballot vers les embarcations. » Aussitôt tout paré, le départ est ordonné. Sur la rive nord du fjord, nous fîmes halte pour préparer le café et prendre une collation. À cette occasion, nous distribuons des vivres aux Grönlandais, qui, toujours insouciants du lendemain, n’avaient plus de provisions. Silas donna à ses congénères le contenu de l’estomac du renne qu’il avait tué, la partie la plus délicate de l’animal, à leur goût. La marche fut ensuite très rapide ; de temps à autre, l’oumiak chargé des bagages devait être tiré à terre pour laisser sécher les peaux de la coque, mais pendant