Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/396

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supérieure du fjord se trouvant encore couverte de glace, nous débarquâmes, puis, chaussant nos ski, nous nous acheminâmes vers le fond de la baie de Kangiusak qui était également prise. De là, nous gagnâmes le fjord de Godthaab où nous campâmes. Nous n’avions qu’une petite quantité de provisions, et pour ne pas mourir de faim nous dûmes manger des lagopèdes crus, comme les Eskimos ont l’habitude de le faire, mets qui n’est pas trop mauvais si l’on a eu soin de laisser les oiseaux refroidir. Un jour que j’étais très affamé, je voulus manger un de ces gallinacés aussitôt après l’avoir tué : la viande avait un goût si désagréable que je dus abandonner la partie.

Le lendemain 6 avril, nous poursuivîmes notre roule vers le fjord Ujaragsuit, toujours en avançant sur la glace. À moitié route environ du haut d’un monticule où j’étais allé poursuivre des lagopèdes je vis que l’extrémité supérieure du fjord était libre. Le torrent sortant de l’inlandsis au fond de la baie avait recouvert d’eau la couche de glace.

Pour atteindre le glacier nous aurions dû débarquer à Ivisartok, sur la rive gauche du fjord, mais de là à l’inlandsis deux jours de marche auraient été nécessaires. Dans la crainte que le navire arrivât en notre absence, nous dûmes battre en retraite.

Cette fois l’excursion ne fut pas sans résultat ; si nous n’avions pas atteint l’inlandsis au point où nous l’avions désiré, nous avions vu le glacier situé entre Ivisartok et Nunatarsuak. Ce courant de glace n’était pas aussi couvert de neige que nous l’avions pensé et était déchiré de nombreuses crevasses. Aux environs la couche de neige était également peu épaisse ; sur des espaces assez étendus le sol en était même dépouillé ; à ce point de vue, le paysage différait complètement de celui de Godthaab.

La surface de l’inlandsis ne paraît pas subir en hiver des modifications aussi profondes que je l’avais cru, tout au moins dans les régions où elle esl séparée de la mer par une large zone de montagnes, comme c’est ici le cas.

Cette région extérieure absorbe naturellement une grande quantité de neige. Non sans étonnement nous observâmes la quantité d’eau apportée par le torrent issu de l’inlandsis. Pas même à