voir venir et de parer le choc. Les Grönlandais me demandèrent
alors si je pensais pouvoir me tirer d’affaire par une mer pareille ;
pour ne pas avoir l’air de reculer, je répondis affirmativement, et
nous nous mîmes en route. Bientôt un de mes compagnons, qui
portait sur son kayak un phoque qu’il avait tué, se trouva dans une
position difficile. Il nous cria qu’il allait gagner le rivage pour
mettre en sûreté sa capture : mais partout la côte était accore. Dans
ces conditions notre homme jeta son phoque à la mer et essaya
un orphelin de sukkertoppen. (d’après un croquis de m. nansen.
de le remorquer : cela alla de mal en
pis. Heureusement les nuages se dissipèrent
et une lune brillante éclaira la
mer. Grâce à cette lumière nous pûmes
manœuvrer plus facilement et trouver
notre route. Mais, sur ces entrefaites,
nous rencontrâmes des glaçons dont la
traversée nous donna beaucoup de tablature.
À une heure du matin seulement nous atteignons Kornok, où nous effrayons les habitants par notre arrivée nocturne.
Aucun exprès n’étant venu de Godthaab, j’allai le lendemain à Umanak, où se trouve une des missions des Frères Moraves. J’y passai quatre jours agréables chez le pasteur, M. Heinecke.
Le 12 avril, j’étais de retour à Kornok. Le lendemain il pleuvait, et par un pareil temps mon vieil ami Aperâvigssuak n’avait guère envie de prendre la mer pour retourner à Godthaab. J’offris alors un grand bal aux indigènes ; les divertissements commencèrent à quatre heures du soir et se prolongèrent très avant dans la nuit.
Le 14 avril, nous nous mettons en route et parcourons en huit heures les 32 milles qui nous séparent de cette colonie. Pendant trois heures nous avions eu le courant contre nous, et durant les cinq autres un vent violent. M. Heinecke me raconta qu’un bon kayakman avait franchi en une seule journée, aller et retour, les 36 milles qui séparent Umanak de Godthaab.