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À LA HACHE

Je sursaute, l’examine et me récrie.

— Mais vous n’êtes pas malade. Et vous n’avez pas peur de mourir, je suppose ?

— Cré gué, non ! La mort, j’m’en sacre ! Quand on a travaillé à faire d’là terre toute sa vie, on n’a point peur. Les ceuss qui ont peur d’la vieille mégère, c’est les gens d’là ville. Eux autres y gaspillent la vie. Ils la trouvent toujours pas assez, com’ j’dirais, écourtinée, et y s’trémoussent à m’faire rire. Moé, l’commis, j’partirai quand j’voudrai. Pas d’danger que je faiblisse pour dire à la mort : « Prend-moé, j’sus foutu ! » Non, non, pas de ces manières, torrieu ! Quand ça s’ra l’temps, j’dirai : « V’là le moment d’aller équarrir du grand bois pour les chalands de saint Pierre »… Pis j’me coucherai, avec la « Fine » dans mes bras, j’farm’rai les yeux et j’attendrai. Et c’est parce que j’ai pas peur d’là mort que j’veux faire mon testament.

— Comment cela ?

— Riez pas, c’t’idée a m’tracasse toujours quand j’attends l’sommeil. J’veux jouer un tour à la gueuse. Or donc, si j’notariais sus l’papier : Qu’on mette un beau cricifix en cuiv’ dans mon carcueil ? Commencez-vous à saisir ? La mort a viendra manger mon nez, mes bras, mes mains, mes pieds, enfin a mang’ra toute, mais la saudite, j’la défie d’manger le portrait de Not’ Seigneur,