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LA MESSE DE MINUIT

— As-tu des ciarges, Desrochers ? tonne le nouveau sacristain.

Le cuisinier lui procure deux bouts de chandelle, encore picotés de mouches mortes. L’équarrisseur les place aussi sur la huche et, se frottant les mains, il affirme, heureux :

— Cré gué !… ça mine ben… Pas besoin d’être à Saint-Ignace-du-Lac pour aimer l’bon Dieu… On est pas des bargers… Y s’contentera de bûcheux pour ane fois…

Minuit moins cinq. Le bon père Doyon commence à s’habiller. J’ai le bonheur d’être son servant. Les burettes sont déjà sur une des tablettes du poêle. L’autel portatif a été déplié dans une fenêtre, près de la crèche. Une lune heureuse jette tout son or sur le calice. Petit, il est vrai. Mais qui renferme l’Éternité…

Desrochers sonne l’appel. Deux autres triangles en acier bleu ont été forgés. Le maréchal et Laurence frappent aussi, à tour de bras. Les notes claires émiettent le froid vif et attirent des larmes. De la forêt, les arbres répondent, en éclatant, avec une plainte d’amour.

Les invités de Jésus entrent un à un, pieusement, et regardent la féerie. Ils secouent leurs souliers de bœuf, leurs bottes sauvages. La chaleur fait aussitôt fondre la neige. Un parfum de cuir, viril, monte dans la pièce.