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L’ÎLE VALADE

lange d’azur, d’or, de lait et de sang. Le pêcheur vide sur eux la chaudière d’eau et m’invite à l’accompagner jusqu’à la source, parmi les érables de la pointe, afin d’en tirer de la « frette ».

Une cascade lumineuse saute de galet en galet. Elle s’accroche aux arbustes de la pente, mouille les grives, chardonnerets, merles, étourneaux y lavant leurs plumes. La source se devine, là, cachée dans les fougères.

Nous escaladons des roches plates, léchées au printemps par l’eau des neiges, afin d’apercevoir l’écrin de Dieu, glougloutant sa joie aux cressons, à la mousse. L’eau n’y a pas de couleur. Elle est transparente, froide comme un marbre l’hiver.

Tout au fond, des taches roses, jaunes, vertes, soulevées, tassées par trois bouillons, sortant des fentes du roc. Algues naines, grossies capricieusement par la loupe liquide. Un rayon égaré tombe des feuilles, se brise en étincelles sur le gravier serti d’émeraudes, de rubis, de turquoises. Des muguets donnent le parfum de leurs clochetons aux frérots, égarés sur la surface. Plusieurs lys d’eau ouvrent au désir des abeilles leurs bouches, épaisses de pollen. Les feuilles de ces fleurs de cire étendent leurs rondelles en capricieuses, près du rivage. Des rainettes se