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LA CARTE D’IDENTITÉ


— Quin, la gueuse !… dit-il, en l’écrasant de sa botte lourde. Puis, me tapant sur l’épaule — j’en vibre encore — il continue :

— Ça m’rappelle ane histoire. Vous avez l’temps, c’est pas long… J’ai connu, dans l’nord d’Ontario, y a ben 40 ans, un nommé Jean Ratinet, qui v’nait d’là belle France. Y s’faisait ane religion à lui. « J’ai la foi », qu’il disait, « Mais ma foi à moé »… Y m’parlait d’un nommé Lamamas, d’Vol à terre, d’Jacques Ruisseau, de Dit Pas Trop, des gars que j’ai jamais ni vus, ni connus. Pis d’Varsailles et des Tuileries… Y a ben ri d’moé quand j’lui demandai si les Tuileries c’était des belles femmes ! C’est ben moé qui savais qu’c’était l’château du roi… Donc, pour r’venir à ma ch’nille, un printemps, les ch’nilles dévorent tout dans la paroisse. L’curé, au prône, un dimanche, promet ane procession pour les conjurer. Dans la semaine, au jour dit, tout l’monde arrive à l’église, et bedeau en tête, nous v’là partis dans la grand’rue, en salamadiant les Litanies. J’priais comme les autres et j’criais : « Ora, pas si vite ! »… Devant l’chanquier de Ratinet pas d’image sainte, mais y avait d’monté, sus la toiture, un drapeau de France. J’ai toujours aimé ces couleurs… Aussi j’ai toujours ôté mon casque, à chaque fois que j’ai passé devant un… Comme je saluais le celui à