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« Qu’as-tu ? cria la mère.

— Je n’ai rien, maman, rassurez-vous, rien du tout ; c’est Thomas bien malade qui m’a retenu ; et je viens vous chercher de sa part ; ensuite, si vous et mon père le permettez, je ferai atteler et j’irai à Cherbourg.

— Pauvre Thomas, dit Mme de Résort subitement attristée, il changeait et s’affaiblissait. Je vais m’apprêter pendant que tu déjeunes.

— Je me dépêcherai d’avaler quelques bouchées ; mais, maman, ajouta le jeune homme au moment où il vit sa mère prête à quitter la salle, maman, c’est que Thomas désirerait aussi dire adieu à sa petite fée. »

Marine, déjà debout, s’écria : « Dites oui, mère, je vous en prie, je voudrais tant soigner Thomas.

— Ma chérie, demande à ton père ce qu’il en pense. » La réponse n’était pas douteuse, M. de Résort n’ayant jamais rien refusé à celle qui d’ailleurs n’abusait pas de son influence. Alors M. de Résort questionna son fils : « Où était Thomas ? et pourquoi Ferdinand avait-il besoin d’aller à Cherbourg ?

— Thomas est dans sa cabane roulante, répondit Ferdinand, et le troupeau se trouve parqué sur la lande près de la fontaine de Biville. Il avait été convenu hier avec le fils Quoniam que nous chasserions de ces côtés. Arrivés à quelque distance, nous avons aperçu les moutons guidés par le nouveau chien, mais pas de berger, et couché devant la cabane, Pastoures, qui geignait d’une façon lugubre. Saisis d’inquiétude, nous sommes accourus. La cabane était ouverte ; étendu sur son lit, Thomas, la tête renversée, nous parut à l’agonie ; cependant il reprit connaissance après quelques soins, et bientôt il nous parla avec toute sa lucidité. Montrant ce calme et cette présence d’esprit qu’il a toujours eus, il s’adressa d’abord à moi :

« Merci, monsieur Ferdinand, je suis heureux de vous revoir, oui, bien heureux ; mais je savais que Dieu m’accorderait encore cette grâce et puis celle de voir aussi la bonne dame et la petite fée ; voudrez-vous me les aller quérir ?

— Certainement, me suis-je écrié, je ramènerai aussi le médecin, et vous vivrez encore longtemps. »

« Alors il a souri et ses yeux clairs me regardaient affectueusement pendant qu’il me répondait :

« Non, la lampe n’a plus d’huile et aucun médecin ne vend de cette huile-là ! Je m’en irai ce soir quand la pleine lune se lèvera, à huit heures, un peu avant, un peu après. Jean Quoniam, veux-tu m’aller quérir M. le curé de Biville et puis ton père, mais le prètre d’abord.