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Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/109

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— Merci, commandant, je n’ai besoin de rien ; si vous voulez me le permettre, j’irai vous attendre en bas.

— Parfaitement, allez. »

Dès que Thomy eut fermé la porte : « Eh bien, voilà ce que j’appelle un vilain sujet, s’écria M. de Résort ; je le juge aussi mauvais qu’envieux et sot. »

La brume se dissipait, les étoiles brillaient dans la nuit calme, il faisait un peu froid, mais aucun vent, et la lune n’était pas encore levée lorsque le cabriolet s’arrêta près d’une croix de pierre située à l’embranchement de plusieurs sentiers.

« Trouveras-tu le chemin ? demanda M. de Résort en mettant pied à terre après son fils et Thomy.

— Certainement, répondit Ferdinand.

— Charlot, allez au manoir et occupez-vous du cheval ; il nous a menés d’un fameux train et pourrait s’enrhumer.

— Soyez tranquille, commandant… Mais ensuite, voulez-vous me permettre de revenir voir Thomas ?

— Sûrement. »

Les trois hommes s’engagèrent dans une route en pente-tracée au milieu de la lande. Ferdinand servait de guide, sûr de ne pas s’égarer. Après un quart d’heure une vive lueur éclaira le bas d’un sentier.

« Je vois ce que c’est, dit Ferdinand, on aura allumé du feu ; regardez, père, ces ombres autour du foyer et de la cabane roulante. »

Les nouveaux arrivants aperçurent une cahute construite par Thomas et dont le berger était très fier ; elle ressemblait aux autres où s’abritent les pasteurs de troupeaux, mais plus longue, et tout le devant s’en abattait à volonté. Pendant les belles nuits, Thomas une fois couché pouvait de là surveiller ses moutons et dormir « sous le grand ciel », suivant son expression. Comme il l’avait toujours désiré, il allait mourir dans sa belle lande sauvage et sous son grand ciel.

« J’espère, disait-il quelquefois à la dame sa seule confidente, j’espère que le bon Dieu me fera la grâce de ne point finir ma vie entre quatre murs. »

Mme de Résort avait trouvé son humble ami en pleine connaissance : il venait de recevoir les derniers sacrements et semblait très calme et doucement heureux.

Pendant toute l’après-midi, Thomas parla peu, mais il écouta les pieuses lectures et les douces paroles de ses amies. « Je suis content, répétait-il parfois, j’avais rêvé de cette mort ainsi qu’elle arrive. »