Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/162

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— Non, lieutenant, au contraire. Figurez-vous qu’une lettre reçue tout à l’heure m’apprend l’arrivée de mon père et de ma sœur au Brésil. Tous deux sont à Rio depuis quelques jours.

— Pas possible ! Et vous ne vous en doutiez pas ?

En aucune façon ; ce voyage a été décidé depuis les dernières lettres qu’on m’écrivait. Mes parents croient avoir des données certaines sur le pays et la famille de leur fille adoptive dont vous connaissez l’histoire.

— Oui, je n’ai rien oublié à ce sujet ; eh bien ?

— Eh bien, le grand-père de Marine habiterait Rio et serait un riche Portugais de grande famille, le comte d’Almeira, arrivé au Brésil à la suite du roi Juan VI de Bragance en 1807. Il y a vingt ans environ, et contre le gré de ses parents, Juan, l’unique héritier du comte d’Almeira, épousa la fille d’un négociant anglais. Pour ce fait, désavoué et chassé de la maison paternelle, le jeune homme résolut de s’expatrier, et il partit en annonçant à ses amis qu’il allait avec sa femme tenter fortune aux États-Unis ou bien au Canada. Il fut suivi.. par sa nourrice et le petit garçon de celle-ci. La jeune Anglaise, nommée Louisa Ravel, mourut cinq ans après, mais en laissant une fille, Marine, à ce que croient mes parents.

« Le comte d’Almeira résidait en France lorsqu’il apprit la mort de sa bru ; alors résolu à pardonner, il écrivit à Juan de venir, le rejoindre à Paris et qu’avec l’enfant tous trois retourneraient ensuite au Brésil. La lettre du père resta sans réponse et depuis on n’entendit jamais parler du jeune homme, de sa fille et de ceux qui avaient suivi en exil le jeune couple.

« Les faits précédents et le mystère resté impénétrable occupèrent pendant quelque temps à Paris la colonie portugaise et brésilienne ; mais, parmi toutes les personnes interrogées par mes parents, aucune ne se rappelle si elle sut jamais le pays et la ville d’où était datée et écrite la lettre du jeune d’Almeira, lettre dont son père parla à plusieurs qui ne l’ont pas oublié.

« Mes parents apprirent récemment toute cette histoire par un Anglais de leurs amis, M. Nevil. Au milieu d’un bal, ce dernier, présenté à Marine, parut frappé de la ressemblance existant entre les traits de ma sœur et ceux d’une jeune Anglaise qu’il avait beaucoup connue. Et M. Nevil ajouta : « Quelle chose bizarre ! Mlle de Résort ressemble aussi à un ami de ma jeunesse ; celui-ci habitait Rio, où j’ai passé plusieurs années. »

« Mon père alors crut devoir apprendre à M. Nevil que Marine était seulement sa fille adoptive et il lui narra le naufrage de Biville.

« Ensuite, grâce à M. Nevil, il fut très facile de retrouver en Angle-