Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE

ceinture ; on dut se résigner à envoyer la grosse artillerie chercher le pont jeté en amont.

Ensuite les troupes s’engagèrent dans un chemin tellement escarpé, que les soldats étaient contraints de s’accrocher aux ronces et les cavaliers aux crinières de leurs chevaux.

Le général Bouat marchait à l’arrière-garde ; s’adressant à Ferdinand, qui, après l’avoir salué, se disposait à rejoindre sa baleinière :

« Je vous remercie, monsieur, lui dit-il, et je vous prie de témoigner toute ma reconnaissance à M. de la Roncière ; mais pensez-vous que celui-ci consentirait à ce que je vous gardasse aujourd’hui ?

— Certainement, mon général ; le commandant, en tout et pour tout, m’a donné liberté de manœuvre, comme nous disons. Seulement je dois renvoyer mes hommes à bord avec l’embarcation.

— Allez, monsieur, et revenez, je vous chargerai d’une mission périlleuse peut-être. »

Les yeux de Ferdinand brillèrent, et, après avoir expédié ses matelots, en rejoignant le général Bouat, il pensait :

« J’ai toujours une chance merveilleuse, c’est à n’y pas croire vraiment ! »

Les troupes défilaient encore en gravissant des sentiers que les chèvres eussent trouvés raides.

« Ah ! monsieur, vous voilà, dit le général s’adressant de nouveau à Ferdinand ; savez-vous monter à cheval ?

— Oui, mon général.

— Fort bien, sautez sur l’un des miens, que tient une ordonnance ; d’abord prenez ce papier, cachez-le, et remontez de ce côté du fleuve jusqu’à ce que vous rencontriez le général Bosquet, auquel vous remettrez ma dépêche ; tâchez aussi de ne pas rencontrer un coup de fusil. Au revoir, monsieur.

— Au revoir, mon général, et merci, » s’écria Ferdinand, qui salua et s’éloigna au trot allongé d’un excellent cheval arabe.

« Pourquoi envoyer cet enseigne au lieu de l’un de vos officiers ? demanda le colonel *** au général Bouat.

— Je peux avoir besoin de tous mes officiers, et puis la plaisante figure de ce jeune homme m’a inspiré l’envie de lui faire gagner quelque chose, s’il n’est pas arrêté par une balle cosaque ; mais je crois aux pressentiments, les miens me disent que l’enseigne n’aura pas une égratignure. Ah ! on parle là-haut. En avant, mes enfants, en avant, les zouaves ! Est-ce que la mitraille fait peur à des Algériens ? En avant, marche, et vive la France ! »

Et les zouaves accomplirent alors cette fameuse escalade dont les détails ont émerveillé les contemporains, et qui permit au général