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L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE

Ferdinand rougit et répondit évasivement : « J’ai eu beaucoup de chance à l’Alma… » La réponse de lord Lucan rompit l’entretien et les deux amis se séparèrent.

De retour au camp, Ferdinand remit à son chef la dépêche du général anglais. Après l’avoir parcourue, le général Bosquet remarqua l’air joyeux de son officier d’ordonnance.

« Avez-vous donc rencontré un trésor ? dit-il.

— Un trésor, non pas, mon général, mais un ami de jeunesse.

— De jeunesse, interrompit le général en souriant, quel âge avez-vous donc ?

— Vingt-quatre ans, mon général.

— Vous paraissez plus jeune. Comment se nomme votre ami ? Lord Keitl, un aide de camp de lord Lucan, que j’ai connu dans l’Inde lorsque j’étais élève : c’est un homme accompli.

— Ah ! murmura le général un peu tristement, à votre âge, je croyais aussi aux amitiés solides et aux hommes accomplis. Bonsoir, monsieur, allez vous reposer, demain la journée sera probablement chaude.

— Bonne nuit, mon général. »

Au moment où il quittait la tente :

« Eh bien, dit tout bas un capitaine à un autre officier, voilà un petit enseigne qui parle au général Bosquet comme à son égal et auquel le général témoigne une complaisance rare.

— Oui, répondit l’autre, toujours des faveurs. Moi, je n’aurais jamais cru le général capable de se laisser empaumer par ce blanc-bec. Enfin, nous verrons ce marin au feu, je n’ai pas idée qu’il aille au-devant des balles. Un officier d’antichambre, croyez-m’en sur parole, et je compte avoir l’œil sur lui pendant la première action. »