gnais pas, maman, parce que vous m’aviez appris qu’il faut être généreux et hospitalier. »
Pendant ce récit, Mme de Résort pansait une petite main cruellement mordue.
Avant de s’endormir, Ferdinand ajouta cette prière à celles qu’il disait chaque soir à haute voix :
« Mon Dieu, maman m’a répété aujourd’hui que Jésus a pardonné à ses ennemis, alors je veux pardonner à ce mé…, à ce vi…, à cet ignorant ; sûrement il ne vous connaît pas ! Pourtant j’espère que je ne vous fâcherai pas si je garde mes joujoux, mais je lui laisserai ceux qu’il a déjà et puis je ne jouerai plus avec lui. »
Cette naïve prière fit sourire la mère, d’ailleurs fort embarrassée. Elle regrettait à moitié son généreux élan ; sa conscience lui disait pourtant qu’elle avait agi en chrétienne ; mais à présent il fallait séparer Ferdinand de cet enfant dont les instincts paraissaient détestables ; avec elle seulement l’étranger se montrait doux et même affectueux, un peu à la manière d’un animal apprivoisé.
Au contraire, Mme de Résort ne songeait pas sans chagrin à rendre l’autre naufragée à ses parents lorsqu’ils la réclameraient. La pauvre petite fille fut d’abord bien malade, et, pendant quelque temps, le docteur arriva de Beaumont tous les jours pour voir cette enfant dont la plaie s’envenimait au lieu de se cicatriser ; un érysipèle gagna bientôt la tête et le danger devint imminent.
Au bout d’une semaine, les soins prodigués triomphèrent du mal, le délire cessa et la fillette reprit connaissance pour la première fois depuis son arrivée aux Pins. Un jour elle but avec plaisir une tasse de bouillon offerte par Mme de Résort, à laquelle ensuite elle tendit ses lèvres pâlies pour donner et recevoir un baiser.
L’avenir de la petite fille fut probablement décidé par ce baiser. Bientôt ses forces revinrent et très rapidement. Un matin le docteur annonça la guérison et dit que, toute crainte de contagion étant passée, on pouvait laisser communiquer les enfants entre eux.
Écarté de la chambre depuis le soir du naufrage, Ferdinand ne se rendit pas compte de ce qui se passa ensuite, oubliant aussi cette petite fille à peine entrevue. Les enfants écoutent seulement ce qu’ils veulent écouter, bien souvent ce qu’ils ne devraient pas entendre ; mais, pour ce qu’ils s’en préoccupent, les événements dont leur esprit n’est pas frappé pourraient aussi bien s’être passés dans un pays éloigné.
Ce matin-là, Ferdinand parut ébahi. En entrant dans la chambre de sa mère, il resta sur le seuil de la porte, indécis, très rouge, considérant ce lit tout blanc, autrefois le sien, dans lequel reposait