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Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/62

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L’ÉPAVE MYSTÉRIEUSE

une tête blonde à demi rasée, avec une si jolie « petite figure, raconta-t-il ensuite à Fanny, et une bouche toute rose et des yeux si bleus ! » À ce spectacle une idée traversa son cerveau, et s’approchant très vite, il chuchota à l’oreille de sa mère :

« N’est-ce pas, maman, voilà la petite sœur qui était partie pour le ciel et que le bon Dieu nous a rendue ? »

Des larmes montant aux yeux de Mme de Résort coulèrent un instant sur ses joues, rapides et pressées. Mais les essuyant et dominant son émotion, quoique sa voix tremblât, elle répondit :

« Non, mon chéri, ta petite sœur est encore au ciel ; mais cette pauvre mignonne nous est aussi envoyée par Dieu, viens donc l’embrasser. »

Alors, très ému, Ferdinand se pencha sur le petit lit où deux bras se nouèrent autour de son cou, et puis les enfants s’embrassèrent tendrement. On eût dit un frère et une sœur se retrouvant après une longue séparation.

« Comment t’appelles-tu ? » interrogea Ferdinand, qui parut assez désappointé, car la fillette le regardait avec des yeux intelligents, sans toutefois articuler aucun son.

« Est-elle muette, maman ? s’écria-t-il.

— Non, rassure-toi, mais elle est étrangère, et rien ne nous indique le lieu de sa naissance. Pendant sa maladie, voyant que je ne parlais pas sa langue et aussi qu’elle ne se faisait pas comprendre, la chère petite a pris l’habitude de s’exprimer par gestes ; cependant elle commence à prononcer des mots faciles ; tiens, vois. »

Alors Mme de Résort, prenant une boule de gomme, la fit sauter d’une main à l’autre, et après une seconde d’hésitation :

« Bonbon, » cria une voix d’enfant, claire, aiguë, avec un accent étranger.

Ferdinand battit des mains, pendant que de fines dents croquaient le bonbon.

Ensuite, les yeux fixés sur ceux de la convalescente, Mme de Résort prit son fils par la main et répéta à plusieurs reprises :

«  Ferdinand, Ferdinand.

— Dinand, Dinand, » cria la petite voix.

Ferdinand était aux anges ; il voulut continuer une leçon aussi bien comprise, et embrassant sa mère, il l’appela : « Maman, maman.

— Mama, mama, » reprit tout de suite la petite fille, qui donna un baiser à sa garde-malade.

Ferdinand sautait de joie. « Mon chéri, lui fit observer sa mère, j’ai peur que tu ne fatigues ce cerveau encore bien faible. D’ailleurs le docteur recommande encore quelques jours de prudence. Fanny