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Page:Nanteuil, L’épave mystérieuse, 1891.djvu/63

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ENQUÊTE INFRUCTUEUSE.

doit aller à la ferme, tu l’accompagneras. La semaine prochaine, nous reprendrons nos études et nos promenades. »

Ferdinand eût bien voulu rester ; mais il obéissait toujours sans protester.

Et le soir, en dînant, oubliant de manger en écoutant l’histoire du naufrage, il interrogeait sa mère à propos de la malade.

« Comment s’appelle-t-elle, le savez-vous, maman ?

— Je n’en sais rien ; j’ai essayé de lui donner une foule de noms, aucun n’a paru avoir le moindre sens pour cette petite. La voyant en danger, je l’ai ondoyée à tout hasard, et, dès qu’elle pourra sortir, M. le curé de Vauville doit la baptiser, ainsi que l’autre enfant, sous condition.

— Sous condition, maman, qu’est-ce cela ?

— Lorsque tu iras au catéchisme, mon chéri, tu apprendras que le baptême ne peut être reçu qu’une fois ; mais, dans le doute, on doit toujours le donner sous condition, c’est-à-dire en réservant le cas où celui qu’on baptise l’aurait déjà été.

— Eh bien, maman, comment appellerez-vous notre petite fille ?

— J’avoue n’y avoir pas réfléchi. Viens lui dire bonsoir, ne l’agite pas. Demain nous déciderons quant au nom et à bien d’autres choses encore. »

Les deux naufragés furent conduits à l’église de Siouville le dimanche suivant, et, ni l’un ni l’autre ne donnant de marques de surprise, il parut assez probable aux assistants que ces enfants avaient déjà fréquenté des églises. Ensuite le curé procéda à la cérémonie du baptême sous condition. Mme Quoniam et Thomas le berger répondirent pour le garçon, dont la tenue les inquiétait fort à l’avance, mais qui resta assez tranquille. On l’inscrivit sous le nom de François-Thomas.

Revêtue d’un chaud vêtement de laine blanche et la tête recouverte d’une mantille, la petite fille était ravissante, tranquille, l’air heureux et souriant. Ferdinand et sa mère la conduisaient par la main ; ils lui donnèrent un nom assez répandu dans la Hague, celui de Marine, avec les prénoms de sa protectrice, Marie-Madeleine.

Tout le village assistait à la cérémonie et ensuite chacun loua la dame des Pins et la jolie fillette ; mais, une sage critique tempérant toujours les éloges des hommes et surtout des femmes :

« C’est grandement dommage, ajoutaient et répétaient plusieurs parmi les dernières, c’est grand’pitié que le baptême ait été gâté par la présence du sorcier. Voyez-vous M. le curé entiché de ce Thomas au point de l’admettre à être parrain, et voyez donc la Quoniam marraine avec un jeteur de sorts ! Il faut convenir aussi que,