assez d’espagnol pour jouer un rôle au milieu de ces fêtes et de ces joyeux bavardages. Ce port péruvien resta comme un de leurs plus charmants souvenirs parmi leurs relâches de l’Océan Pacifique.
Au Callao, on attendait les lettres de France, et tous ceux qui espéraient des nouvelles guettaient sur le pont ou les gaillards le retour du canot envoyé à terre. La vigie venait de signaler ce bienheureux canot et il semblait à tous qu’il ne reviendraitjamais.
« Le vaguemestre accoste avec le canot », cria une voix. Le dépouillement ne fut pas long ensuite, et les heureux, que le service ne retenait pas, s’en allèrent dans leur chambre ou dans un coin écarté pour lire ces petites feuilles racontant tant de choses, nouvelles joyeuses ou pénibles, que leur apprendraient des lettres à présent vieilles de six mois !
M. de Résort relisait les siennes, étonné, très ému aussi par les événements extraordinaires arrivés aux Pins, lorsqu’un timonier entra chez lui.
« Qu’est-ce ? dit-il.
— Commandant, le consul de France fait savoir à tous les bâtiments en rade qu’il y a un trois-mâts de commerce, très fin voilier, partant pour France et faisant escale quatre fois seulement d’ici à Bordeaux. Le capitaine de ce trois-mâts prendra nos lettres pas plus tard que demain matin. »
Alors chacun courut à son encrier. M. de Résort écrivit longuement à sa femme et à son fils. Nous allons suivre celle de ces lettres que Ferdinand reçut en poussant des cris de joie : c’était la première depuis le départ du Neptune et pour lui seul.
Après une foule de réponses à quantité de questions adressées depuis son appareillage, M. de Résort continuait ainsi :
« Non vraiment, mon cher enfant, je ne pense pas que cette petite fille jetée si étrangement dans ma famille y doive être autre chose qu’une bénédiction et tu peux donc te rassurer à ce sujet ; j’approuve et approuverai toujours ce que fera et décidera ta mère pendant mes longues absences. Mais toi, mon chéri, l’adoption te crée des devoirs et des charges, et je connais trop le cœur de mon fils pour n’être pas certain que plus tard il acceptera avec joie ces charges et ces devoirs. Maintenant, pour finir, je vais te raconter une assez plaisante histoire. Ta mère te dira où se trouve en ce moment le Neptune et ce que nous avons fait et vu depuis Rio.
« Donc, au Callao, où nous sommes encore, j’ai profité des quelques heures laissées par le service pour aller tous les jours faire de longues promenades à terre. En arrivant de l’une d’elles, hier au soir, je rentre dans ma chambre, où je trouve Mlle Frisette couchée dans mon lit, la couverture sur le nez ; elle tremblait, mais ne bougeait pas. Et