Page:Narrache - Jean Narrache chez le diable.djvu/52

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l’aide d’une gigantesque paire de ciseaux. Puis l’image s’éclaircit et je vis le pauvre diable plongé jusqu’à la ceinture dans un énorme pot à colle. Partout autour de lui, de hautes piles de vieux journaux dont je finis par pouvoir lire les noms « La Minerve », « Le Canadien », « Les débats », « La Lanterne », « La Presse », « La Patrie », « Le Devoir » et nombre d’autres. C’était bien Rumilly en train « d’écrire » SON « Histoire de la province de Québec. »

Vous devinez que ma curiosité augmentait de plus en plus et je voulais évoquer d’autres noms. Mais mon hôte, qui s’affairait toujours à son petit bar, me dit :

— « Ferme l’appareil au moins un instant. Tu auras tout le loisir de t’en servir plus tard. Buvons plutôt au succès de ton voyage… Je suppose que c’est du rhum que tu veux boire. »

— « Tu le sais bien. Je suis atteint de rhum…atisme depuis mon voyage aux Antilles. Vois-tu, je suis comme ces gens qui ont passé huit jours en France et qui ne savent plus que parler, « la bouche pleine de patates chaudes », en s’écriant à tout propos et surtout hors de propos : « C’est formidable ! »… Donc, du rhum pour moi ! »

— « Tu aurais pu me rappeler aussi que vos pères, ces fameux pères qu’évoquent toujours vos grands discours de la Saint-Jean-Baptiste, aimaient joliment le rhum. Vos draveurs et vos hommes de chantier ne s’en privaient guère, non plus. »

— « Il n’y avait pas de mal à cela. C’est ce qui en faisait de si gais lurons. »

— « Et c’est ce qui a contribué à leur faire découvrir l’aviation, bien avant les frères Wright, n’en déplaise aux Américains. »