Page:Narrache - Jean Narrache chez le diable.djvu/54

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— « Hein ? Nos pères auraient inventé l’aviation ? Pas possible ! »

— « Penses-y un peu. Quand ils « couraient la chasse-galerie », dans un canot qui naviguait dans les nuages au-dessus des forêts, est-ce qu’ils ne devançaient pas l’âge de l’avion ?… Maintenant, voici ton rhum. Il t’aidera à avaler cette mauvaise blague ! »… Et vous, père Charron, que prendrez-vous ? »

— « Comme toujours, » fit le bonhomme qui somnolait. « Comme toujours, mon jeune messire le diable, du vin de la vigne de Noé. »

— « Du vin de la vigne de Noé ? » fis-je en sursautant.

— « Eh oui, mon jeune ami. Vous savez bien que Noé planta des vignes, bien avant le déluge et qu’il ne se faisait pas faute d’en boire copieusement le jus. »

— « Je suppose que c’est pour cela qu’il lui fallut cent ans pour construire son arche. Il était toujours entre deux vins ? »

— « Ça, c’est une autre affaire. Il avait un contrat de construction et, comme tout bon entrepreneur à l’emploi d’un gouvernement, il eut été bien sot de ne pas prendre son temps. Vous qui avez vécu sous le règne de Duplessis, vous devez comprendre cela. »

— « Vous m’ouvrez là des horizons infinis ! » dis-je.

— « Je demande à notre hôte de me servir du vin de la vigne de Noé, parce que ce « brave patriarche digne », comme dit la chanson, après quarante jours et quarante nuits de navigation, s’offrit, comme tout bon matelot après une rude traversée, une