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Page:Narrache - Jean Narrache chez le diable.djvu/55

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cuite formidable, dès qu’il mit le pied sur le plancher des vaches. »

— « Ah, oui ! Je me souviens de mon histoire… Sainte. Voyez-vous, les sociétés de tempérance ont oublié de rayer ce vilain passage de la Bible ».

— « On peut bien dire qu’après son expérience, le père Noé fut le premier à instituer la Régie, bien avant vos Taschereau, vos Lapalme et vos Lesage », continua Charron.

— « Oui. Je comprends facilement qu’après sa retentissante « brosse », il ait songé à réglementer la consommation des « liqueurs »… Et vous, en bon matelot et en souvenir de Noé, vous buvez du vin de sa vigne ; cela se comprend très bien aussi. »

— « Et moi, fit notre hôte, je bois du whiskey ».

— « C’est-à-dire de « l’eau-de-feu », selon l’expression consacrée par l’histoire du Canada. Ce terme décrit si bien l’abominable casse-poitrine que les gouverneurs de la Nouvelle-France et nos sacrés aïeux vendaient à prix excessivement forts aux naturels du pays. »

— « Tu devrais bien savoir que l’eau-de-feu a toujours été le premier agent de civilisation. Même de nos jours, dès qu’une nouvelle agglomération se forme, les premiers établissements que tu y vois sont une taverne et un poste d’essence ».

— « Avoir de quoi boire et de quoi rouler en auto, c’est bien, en effet, l’essentiel aujourd’hui ».

— « Que de savantes considérations ! Tout cela parce que je bois de l’eau-de-feu ! C’est pourtant la liqueur toute indiquée, puisque je suis en enfer ».

— « Tiens, il faudra que je rapporte ce détail à mes bons amis lacordaires. Cela leur servira d’argument dans leur lutte contre l’alcool ».