Page:Narrache - Jean Narrache chez le diable.djvu/68

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leur famille en prison, ou s’ils ne redoutent pas d’y voir entrer l’un des leurs. »

— « Encore une fois, dis-je, veux-tu bien te taire ! »

— « Eh bien, alors, à quoi imputer les difficultés que vos magistrats rencontrent ? »

— « As-tu entendu parler de la théorie du bon sauvage ? » lui demandai-je.

— « Certes oui ! J’ai lu Jean-Jacques Rousseau, Gueudeville, Voltaire, et avant tout, le baron de La Hontan, qui les a tous inspirés !… En passant, La Hontan était un Canadien français d’adoption. »

— « Oui, mon vieux ! C’est même un des auteurs canadiens que j’ai lu avec le plus d’intérêt. Dommage qu’il soit venu si tôt ! Il aurait sûrement gagné le prix David et les faveurs du Conseil des Arts. »

— « À moins que son livre n’ait été interdit, comme celui de Jean-Charles Harvey, fit le diable. Mais, avec tout cela, où veux-tu en venir ? », continua-t-il.

— « À ceci qu’aujourd’hui, la théorie du bon sauvage est oubliée, mais que nous avons découvert celle du bon criminel. Ce cher bon criminel, vois-tu, il faut le traiter « aux petits oignons », comme disent les gens. Il faut le choyer, le bien nourrir, lui permettre de fumer, d’avoir une radio, une TV et tout le confort que des milliers de braves citoyens ne peuvent se donner. »

— « Il faut donc que ce cher bon criminel vive plus luxueusement que le bon ouvrier qui s’esquinte à travailler pour venir à peine à bout de faire vivre sa famille. »

— « C’est incroyable. Songe que nos paternels gouvernants sont prêts à dépenser plus pour agré-