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QU’EST-CE QUE
L’IDÉAL ?


— « J’ai souvent entendu dire de quelqu’un : C’est un homme plein d’idéal. En somme, qu’est-ce que c’est qu’un idéal ? » me demanda le diable.

— « Un idéal, mon vieux, c’est un but magnifique et lointain vers lequel tend un individu. »

— « Alors, on pourrait dire que l’idéal, c’est comme le Beau, suivant la définition d’Ibsen, « Quelque chose de magnifique et de bien loin d’ici. »

— « Entre nous, mon vieux, ce qu’il y a de beau, de grand, de pathétique chez celui qui tend vers un idéal, c’est qu’il ne l’atteint jamais. »

— « Ah ?… Mais, si par hasard, il l’atteignait ? » fit le diable.

— « Pauvre lui ! je parierais qu’il en serait déçu. »

— « Te voilà bien sombre ! Tu as le vin ou plutôt le rhum triste ! »

— « Celui qui a un idéal ressemble étrangement au chien qu’on fait sauter en lui montrant un os. Chaque fois que le chien va l’atteindre, on élève l’os. Puis, quand la pauvre bête morfondue, toute pantelante, les pattes rompues, parvient enfin à attraper l’os, elle s’aperçoit qu’il ne contient pas de moelle. »