Page:Narrache - Jean Narrache chez le diable.djvu/91

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nous attendait à la sortie du poste pour nous assommer.

— « Mais la police secrète veillait sur nous, gros Louis !! »

— « Parlons-en de la police secrète ! Je t’assure que j’étais de taille à étriper le premier fasciste, le premier nazi et n’importe qui de cette tourbe qui nous menaçait toujours, mais qui ne se montrait jamais. Mais toi, petit pendard, qui n’était qu’un gringalet, et qui traversait vers minuit, presque tout l’est de la ville, pour te rendre chez toi, je te plaignais. Il me semble encore te voir dans ta petite voiture Austin, une espèce de tapecul que j’avais toujours eu peur de voir s’écraser, quand je montais avec toi. »

— « Bah ! je me disais que tous ces bravaches n’étaient que des piliers de taverne incapables de risquer plus que de nous injurier par téléphone. »

— « Au fond, tu avais raison. Je me souviens d’un importateur français qui me provoqua même en duel… par téléphone, après m’avoir injurié avec une volubilité merveilleuse. Je le laissai vider son sac, comme on dit. Puis, avec l’air de rien, je lui dis qu’au lieu de se battre en duel avec moi, il ferait bien mieux d’aller combattre aux côtés de Pétain en se faisant accompagner de ses deux fils, deux embusqués qu’il cachait dans sa maison. »

— « Et le duel n’eut pas lieu, je suppose bien ! Tu viens de parler d’embusqués, gros Louis. Voilà un mot qui fait évoquer bien des souvenirs. »

— « Oui ! les embusqués, ces « petits orphelins » de 21 ans qui nous arrivaient de France, de Belgique et d’Angleterre. »