Page:Nau - Force ennemie.djvu/121

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songe qu’à ce qui peut me rapprocher mentalement d’elle et ne m’étonne pas de façon démesurée quand je m’aperçois que je suis, — de haut, — la route de Villiéville-plage, par où Léonard est parti ce matin pour aller chercher la mère de ma pauvre « petite princesse. »

Je vais doucement ou vite, à mon gré, et, bien que je n’aie plus d’organes, je vois et entends plus clairement, je jouis plus vivement des parfums des prés et des haies que je ne pouvais la faire hier dans ma prison corporelle.

Léonard a dû prendre la vieille route, la plus courte, — celle-ci. — En effet au moment où je vais dépasser une sorte de vieux fiacre fermé traîné par un cheval poussif et conduit par un cocher ivre, je reconnais la face auguste de mon gardien sortant du cadre de la portière. Il paraît furieux, mon gardien ; il est rouge comme un soleil couchant et jure avec une abondante véhémence. Quand il a suffisamment blasphémé, quand il a fait un large abus de locutions « immodestes » et d’épithètes au Cayenne, il en revient à la phrase régulièrement construite et je connais la cause de son ire :

— Quand je pense que c’est moi qu’ai-z-été te sercher hier, vieux macchabée crevé de boisson, toi et ton carcan à sonnettes, je voudrais me sanger et puis toi aussi en nourrices de cochons de lait. Que le Dr Froin y m’disait : « Prenez la voiture de l’établissement » et que j’y répondais : « Non ! j’suis habitué avec Robidor et son fiâque ; c’est la seule