Page:Nau - Force ennemie.djvu/17

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Cette qualification blasphématoire a, sans doute, pour lui, un sens terrible ; ces trois mots doivent contenir des océans d’horreur, constituer la suprême injure, flétrir à jamais ; car l’homme aux yeux pâles tire frénétiquement sa moustache jaune et sa physionomie angoissée me révèle qu’il se repent déjà de s’être si dangereusement compromis.

— Je vous assure, conclut-il, que j’aime mieux ne plus revenir là-dessus, jamais, jamais. D’ailleurs pourquoi ? À présent vous savez tout et je vous demande le silence le plus abzolu.

Son émotion me gagne. Pour détourner le cours de ses inquiétudes, je le prie de bien vouloir débarrasser mon lit de deux assiettes qui me gênent ; l’une contient encore une tranche de viande froide, l’autre un fort morceau de gruyère. Mon gardien dépose la première dans le tiroir de la table de nuit, met la seconde — sous clef — à un étage quelconque de la commode avec une tasse vide, un couteau et une fourchette et se retourne vers moi, déjà soulagé par la satisfaction du devoir accompli. Il pontifie un peu :

— ’faut avoir de l’ordre : c’est pas un bon système de tout laisser traîner à la valdrague, on retrouve plus rien après ! Oh ! c’est pas que j’accuserais Monsieur de s’approprier la vaisselle de l’établissement, mais un agzident s’est si vite arrivé !

Il regarde sa montre et change de ton :

— ’c’est pas tout ça : voilà sept heures. Vous allez pas tarder à recevoir la visite de Bid’homme.