Page:Nau - Force ennemie.djvu/260

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mari et je ne sais pas pourquoi je me suis départie de ma prudence, l’année dernière, quand il est reparti. — Si Julien garde la manie d’explorer l’Orient et l’Extrême-Orient, qu’il la satisfasse ! Je l’attendrai à Ville-d’Avray ou ici. Dès le début de nos pérégrinations, j’ai pris en horreur les ciels exagérément bleus, la lumière aveuglante, les monstrueuses verdures en fouillis, les peuplades affligées de teints peu naturels. Si c’est cela qu’on appelle le Beau et le Pittoresque, c’est trop beau et trop pittoresque pour moi. Nous sommes nés dans un pays raisonnable, tempéré, où le soleil a de la discrétion et la végétation de la retenue. Il n’y a pas de vrai Beau sans mesure, sans une certaine médiocrité, dirait Julien. Eh bien alors, vive le Médiocre ! Il est anormal, presque inconvenant, qu’une femme pondérée et bien élevée se complaise à des spectacles d’une pompe excessive et barbare… Et je dirai toute ma pensée, au risque de m’attirer des moqueries : Ces pays-là ne sont pas comme il faut !

Je suis pris d’une affreuse envie de rire qui me supplicie, me coupe la respiration, me secoue les côtes pendant de longues, de très longues secondes. (Ô Kmôhoûn !) — Julien paraît atterré de la stupidité de sa femme, de ce crétinisme orné que je ne pouvais supposer aussi compact, massif, monumental ! — Je parviens, toutefois, à me maîtriser, non sans avoir été, peut-être, deviné par la sotte mais vaniteuse Adrienne. Et voilà une femme qui