Page:Nau - Force ennemie.djvu/288

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pareille à destination des Antilles. Pourquoi à destination des Antilles ? j’ai le pressentiment que je le saurai dans la journée.

Le bruit sourd des premiers coups d’hélice dissipe le fâcheux rêve et j’entr’ouvre des paupières lourdes et irritées. Je reconnais la chambre de l’Hôtel du Périgord.

Il fait un temps sombre et roussâtre de mauvais augure. Des nuages de suie paraissent frôler les cheminées des maisons. Mais, en dépit de ma fatigue et d’une sorte de découragement, je m’ablutionne avec une rare vigueur, m’adorne de la luxueuse reliure de drap marron achetée hier avec mon frère, me « fais beau », dirais-je, si mon déplorable museau ne protestait contre une expression si flatteuse, déjeune à la hâte et me précipite dans la rue.

« Mon vieux Paris » me semble tout changé à mon égard, on dirait qu’il me boude, — ou m’avertit ? De quoi ? d’un malheur ? d’une simple difficulté ? Ses maisons, aujourd’hui fuligineuses, me font la grimace. Je me sens perdu, étranger au milieu des passants plus lents, d’aspect plus ennuyé que les gens coudoyés hier sur la Rive droite.

C’est ici un Paris plus calme, moins exaspérant pour le Provincial que je suis devenu, mais aussi plus froid — et peut-être plus inquiétant. — Je sais bien que c’est une impression absurde mais je crois sentir qu’il plane comme une sorte de fatalité triste sur ces quartiers à contrastes où de larges rues trop neuves éventrent des entassements de grandes four-