Page:Nau - Force ennemie.djvu/290

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Un steamer partira de Pauillac le 25 pour les Antilles, le Venezuela et la Colombie. Si l’on ne me fait pas réintégrer de vive force le domicile de Julien, c’est ce vapeur qui m’emportera vers ma « princesse ». Nous sommes le 22. En partant ce soir, j’arriverai à Bordeaux avec deux jours d’avance. Je serai parfaitement en sûreté dans cette ville où personne ne s’avisera d’aller me dénicher.

Mon impatience devient fébrile, une impatience si enfantine que je me crois incapable d’attendre le moment de monter en express (7 h. 55 du soir) — ailleurs qu’aux environs de la gare d’Orléans. La fiacre me conduit près de la Halle aux vins, à un restaurant dont j’ai naguère entendu parler. Il me faut des forces pour une nouvelle nuit blanche, — en wagon, cette fois, — et je me bourre en conscience, très ignorant, par exemple, du genre de mixtures alimentaires dont je leste mon estomac, par bonheur obéissant.

Mais comment vais-je tuer le temps qui me sépare de l’heure bienheureuse où je commencerai, enfin, à me rapprocher un peu d’Irène ?

Il n’est pas encore midi. Mon café avalé, je mets hors d’usage une douzaine de cure-dents : c’est un sport que je ne recommande pas. Je fume des cigarettes en prenant un petit verre d’un cognac de pure fantaisie. En désespoir de cause je vais faire des cocottes avec le menu et la carte des vins retirés de leurs cadres de faux maroquin rouge, quand deux Messieurs — très connus de moi, — veulent bien