Page:Nau - Force ennemie.djvu/291

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me donner la comédie. Très graves, trop dignes, avec des regards trop profonds, ils pénètrent dans la salle du restaurant à petits pas très précautionneux, comme si le parquet dardait çà et là des pointes de clous.

Ils ne m’ont pas vu. Le réfectoire public s’est passablement garni d’amateurs de « saumon sauce verte » et d’« entrecôte bordelaise ».

Ces deux Messieurs s’installent tout près de moi, — à une table qui fait face à la mienne : nous n’avons entre nous, comme écran, que le feuillage d’une plante que je prends pour une betterave montée.

Ils se sont débarrassés, l’un d’un immense chapeau haut-de-forme, l’autre d’un feutre qui me rappelle le Finistère jadis entrevu. — Après avoir commandé leur déjeuner au garçon, avec une grande profusion de gestes un peu ecclésiastiques et une kyrielle de recommandations marmottées à voix basse, ils se mettent à échanger leurs impressions toujours « sotto voce », mais l’acoustique de la salle me favorise et je ne perds pas un mot :

— « Hein ! partir ensemble ! Nous avons eu de la chance, mais ce que les camarades du Club doivent se trouver désorientés sans nous !

— Le plus… absolument beau, absolument, oui ! c’est de… blim bloum !… d’avoir semé en même temps nos… mécaniques !… nos pions de parents, — blim bloum ! — réciproques !

— Nous allons fonder à nous deux une république