Page:Nau - Force ennemie.djvu/80

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chantent en exhalant leurs haleines matinales et crépusculaires. Oh ! « crépusculaires » me ramène à Baudelaire ! Quels extasiants crépuscules dans ses strophes, même le sinistre, — vous savez ! celui où il y a des crapauds, — mais surtout ceux qui restent dans le mystère :

Entends, amie, entends la douce nuit qui marche !


Mais non ! Il était solaire, il était dieu ! Vous êtes surpris qu’une insignifiante princesse du Travancore, tout au sud de l’Inde, près de Ceylan, une si secondaire princesse de Firouzabad, en Perse, cette ville des jasmins, ornée de dômes bleus, ovoïdes, comme allongés vers le ciel, qu’une minable princesse des terres brûlantes et miroitantes d’épaisse verdure lustrée où s’élèvent les vieilles capitales abandonnées des premiers sultans de Java, qu’une princesse qui a vécu à Cany, dans une épicerie, avant d’épouser un effroyable magicien africain changé en châtelain bourgeois pour ses forfaits, qu’une pareille princesse puisse avoir autant de lecture. Mais ne savez-vous pas que mon père était un enchanteur, un bon enchanteur, lui ! qui transformait de viles matières à peine comestibles en or et qui ne me refusait rien. J’avais à Cany, où naquit le charmeur Louis Bouilhet et où vint le grand Flaubert, une bibliothèque enviée des filles du comte de Sauvemare et de celles du marquis de La Haye-Bolleville. Et mon père me permettait de devenir,