Page:Nau - Hiers bleus, 1904.djvu/11

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 Et nos fuites vers un monde plein de merveilles
 Qui n’apparaît plus que si voilé !
 — Où des voix douces chuchotaient à nos oreilles
 Des mots d’« ailleurs » dont le dernier s’est envolé,
 Où nous enlaçait la blanche tendresse
 Des Etres familiers qu’a chassés pour un temps
 Notre prudente et notre infaillible sagesse ;
 — Où nous découvrions sous les grèbes flottants
 Et neigeux des lents et longs nuages
 Des formes d’une mystérieuse beauté
 Qui nous entraînaient aux éblouissants voyages
 Dans quel vertige si troublement regretté ?
 — Où les arcanes plus accessibles
 D’abris floraux voisins du sol comme nos fronts
 Se faisaient ingénus, riants, presque « visibles » ;
 — Où nous soupçonnions aux cœurs des liserons,
 Baignés du crépuscule irisé des calices,
 Les petits amis ailés de menus ors bleus
 Qui nous guettaient, malicieux complices
 Des songes voletant au-dessus de nos jeux ;
 — Où nous savions, par les après-midi languides,
 Le secret qu’un rayon confie aux lourds étangs
 Pénétrés de tièdes ambres liquides, —
 Ce qui rend tels appels inexpliqués, tintants,
 Si purs et si désolés dans la nuit tombante ;
 Le sens des regards lunaires pensifs
 Qui paillettent d’argent verdâtre les récifs
 Et la houle d’opale mouvante ;
 — Ce que traduisent ces cris d’oiseaux inconnus,