Page:Nau - Vers la fée Viviane, 1908.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
23
Vers la Fée Viviane

Baignait, — dans le calme qu’ailaient des bruits légers, —
D’une triste sérénité, comme automnale,
La haute salle où je n’étais qu’un étranger.
De long éphèbes, des filles énigmatiques,
Songeuses ou lentement souriantes,
Semblaient attendre quelque message mystique
En la lueur de trouble topaze fluente.

Une voix monta, caverneuse et furieuse,
Grondant un prêche combatif
Que je trouvai plus beau et plus persuasif
Que tous les chants de l’Ionie mélodieuse.
Car, tandis que s’évertuait le prédicant,
Les prunelles, jusque-là mornes, indécises,
De la fille la plus rêveusement exquise
S’embrasaient, tels des ors de vitraux au couchant.
Et, ne sachant où se reflétait leur extase
Mêlée d’enthousiasme et de splendide effroi,
Ignorant les vivants et perdus dans l’espace,
Les grands yeux dardaient leur feu terrible sur moi.

J’en fus brûlé jusqu’au fond de l’âme, ô rêveuse !
Tu connus ton crime involontaire et souris ;
Mais la brûlure n’en fut que plus douloureuse…