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Vers la Fée Viviane

Plonge comme un brun ghaût de pagode en la mer,
Glisse et recule plus ardemment mordorée.
La flèche noire du bateau vibre et oscille
Sous des bouquets turgescents de fumée cuivrée
Et griffe une blancheur surgie, d’étrange ville
Qui monte, haute et droite, et dure, dans le ciel,
Sous un roide clocher, maussade en l’air vermeil.

Une rousse lueur s’éveille aux yeux des filles
Comme un faible reflet de torrides soleils :
Adieu frais ennui vert des clos, sous les ramées,
Adieu soucis de purs trafics et de gains lourds.
Voici les portes d’albe et de rose lumière
Sur le mystérieux de la ville d’amour.

Ces rues calmes ont tant conduit de jeunes hommes,
(Dont celui-là, bien sûr, que chacune aimera),
Encore brûlés par les flammes des « là-bas »,
Fous de visions nées en des prunelles sombres,
Vers des belles flétries et banales, — hélas ! —
Mais noyées dans l’astral éclat d’aimées lointaines,
Que la ville est peuplée de fantômes troublants
Et qu’au soir mauve, en la mélancolie sereine
Du ciel comme plus haut, des flots comme plus lents,