purs, et affectant davantage les finesses épigrammatiques et les brillants artifices du langage ; il fit preuve alors d’une souplesse de talent aussi remarquable que son profond savoir dans la version du panégyrique de Trajan et dans celle des œuvres de Tacite.
Mais le métier des traducteurs est un métier ingrat. Quoi qu’ils fassent, ils ne peuvent prétendre tout au plus qu’à l’estime, jamais à la gloire. Il y eut un temps en France où la traduction des auteurs anciens fut beaucoup plus en honneur, précisément lorsqu’elle le méritait le moins. Par un retour contraire, le public est devenu de plus en plus superbe et dédaigneux pour elle, à mesure qu’elle s’est perfectionnée. On ne saurait le nier, quelque opinion qu’on se forme sur la question en général, la traduction des classiques est une des branches de l’art d’écrire qui ont fait le plus de progrès de notre temps ; celle peut-être qui a pris, par comparaison avec le siècle précédent et même avec le xviie siècle, la supériorité la plus incontestable. Depuis les belles infidèles de Perrot jusqu’aux médiocrement fidèles de l’abbé Collin et de l’abbé Paul, à qui, de plus, la beauté manquait, on s’était figuré que traduire les anciens c’était choisir un texte, comme le musicien un thème, à des variations plus ou moins libres, et que, dans cette licence d’amplification, l’on pouvait suppléer au défaut de l’expression propre en multipliant les à peu près, et à la justesse des tours en arrondissant la période.
Quelques tentatives d’illustres écrivains, vers la fin du siècle dernier, quoique sans beaucoup de succès et sans persévérance, indiquèrent du moins la route où il fallait entrer. Rousseau et d’Alembert, sans offrir une théorie, firent la loi nouvelle des traducteurs, qui les obligeait à rendre toute la pensée et rien que la pensée