Page:Naudet - Notice historique sur MM. Burnouf, père et fils.djvu/35

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de l’original avec une exactitude animée, l’esprit et la lettre à la fois, la substance et la vie des écrits.

De leur école sortit, préparé pour se mesurer comme eux avec Tacite, un athlète assez vigoureux pour n’être point lassé avant le temps par ce rude jouteur, assez modeste pour n’être point tenté de quitter la partie et d’aller seul après des commencements heureux, et à qui ce grand travail ouvrit les portes de l’Académie française, M. Dureau de la Malle, un nom cher et honoré aussi dans notre Académie. M. Burnouf a pu le surpasser sans le faire oublier. Ils se partagent l’honneur de représenter, chacun à leur manière, l’historien des empereurs, de la Germanie et d’Agricola, autant qu’il est possible aux traducteurs de donner un démenti au proverbe italien.

Si les traducteurs se flattent et si les critiques leur demandent de reproduire dans une sorte de transfiguration vivante, avec une ressemblance parfaite, le mouvement, la physionomie, la vigueur ou la grâce d’un homme de génie, comme s’il n’avait fait que changer la couleur de son vêtement; c’est une injustice chez les uns, une illusion chez les autres. Autant vaudrait s’imaginer que le plus beau jour des bords de la Tamise vous représentera le soleil de Naples ou d’Athènes. Les traductions, ne remplacent que l’auteur médiocre, jamais le grand écrivain. Serait-ce un paradoxe de dire, du moins en ce qui concerne les anciens, qu’elles servent plus aux lecteurs qui ont fait déjà des progrès dans les deux langues qu’à celui qui ne les entend pas du tout ? En effet, de même que l’interprétation la plus instructive d’un poème dramatique se trouvera dans la diction savamment accentuée, variée, modulée d’un comédien habile, de même une bonne traduction sera