Page:Necker - Réflexions présentées à la nation française sur le procès intenté à Louis XVI - 1792.pdf/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 19 )

règne, le Monarque Anglois : Une Constitution libre, expliquée par les actes les plus solemnels, lui indiquoit ses obligations et fixoit ses prérogatives ; cependant, au mépris de cette Constitution, il avoit levé plusieurs impôts, sans le concours des Représentans de la Nation ; il avoit exigé des prêts forcés, et avoit sévi rigoureusement contre les particuliers, qui s’étoient refusés à cette demande illégale ; il avoit ordonné plusieurs emprisonnemens de sa propre autorité ; il avoit compromis la fortune et la vie d’un grand nombre de citoyens, en abusant de son ascendant sur un Tribunal inconstitutionnel, et composé de Juges à sa dévotion ; il avoit excédé son pouvoir dans le règlement des affaires ecclésiastiques, et plusieurs autres infractions aux lois de son pays, lui étoient encore reprochées. Enfin, entraîné par les événemens, il s’étoit mis à la tête d’un corps de troupes, et avoit commencé la guerre civile, dont l’issue lui devint si fatale. Quel rapport, qu’elle ressemblance, pourroit-on trouver entre ces divers délits politiques, et la conduite d’un Monarque, héritier d’un pouvoir, dont les limites étoient inconnues, et qui a commencé la liberté par le sacrifice volontaire, d’une partie des prérogatives dont la Couronne étoit en possession depuis tant de siècles. Et si l’on resserroit son attention dans le petit espace de temps qui s’est écoulé, depuis le changement du Gouvernement, on verroit que LOUIS XVI, loin de violer en aucun point les nouvelles Lois Constitutionnelles, n’a fait usage, qu’en tremblant, du droit qu’elles lui donnoient de refuser sa sanction aux Décrets du Corps Législatif, et ne s’y est déterminé que dans le petit nombre d’occasions où sa conscience timorée lui en a imposé le devoir rigoureux. Hélas ! loin d’empiéter sur aucune autorité établie, ce sont ses propres droits qu’il a cédés sans cesse ; aussi, pour lui chercher des torts, on est réduit à porter l’inquisition jusques dans ses pensées les plus secrètes. On a suspecté la vérité de son attachement à la Constitution, et on lui a reproché sur ce point des incertitudes et des vacillations ; mais ou pourroit, sans une trop grande faveur, lui en faire un mérite auprès de la Nation, s’il est vrai, que ces doutes, ne l’ont point empêché d’étre fidèle aux lois qu’il avoit promis d’observer.

Les hommes attentifs, les hommes justes, admireront dans le Roi, la patience et la modération qu’il a montrées, lorsque tout changeoit autour de lui, et lorsqu’il étoit exposé, sans cesse, à tous les genres d’insultes ; mais s’il eût fait des fautes, s’il eut méconnu dans quelques points ses nouvelles obligations, ne seroit-ce pas à la nouvelle forme de Gouvernement qu’il faudroit s’en prendre ? ne seroit-ce pas à cette Constitution,