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Lajoie. Elle est belle : elle n’a que vingt-huit ans. Elle est veuve généreuse ; elle a de l’esprit comme un ange. Mille soupirans brûlent de l’intéresser.

Mlle . de Beaucontour. Dans le nombre sans doute il y en a beaucoup qui ne songent qu’à faire d’elle une dupe.

Lajoie. Réflexion peut-être plus maligne que juste. En tout cas, à travers cette cour pétulante et nombreuse, le hazard vous fait tomber des nues. Madame, qui fut toujours, dit-on, d’une extrême sagesse, vient à prendre pour vous, à la première vue, le caprice le mieux conditioné……

Mlle . de Beaucontour. Je conviens de tout cela : mais…

Lajoie. Laissés-moi donc achever le rapport du procès que vous faites à votre étoile. Voilà, dis-je. Madame la Duchesse ensorcelée de vous, elle n’existe plus que parMlle . de Beaucontour : la jolie personne est sans cesse aux côtés de sa protectrice, le jour au sallon, aux jardins ; la nuit au lit…

Mlle . de Beaucontour. Tout cela est très flatteur sans doute… (émue) mais… mais encore une fois……

Lajoie. (s’animant.) Friponne ! je vois vos jolis yeux se voiler. Le dénouement approche… Ainsi trêve un moment aux paroles… (accélérant son badinage, elle acheve de jetter en crise la jolie lectrice, et se paye de sa petite peine en recueillant sur les lèvres de l’agonisante, les brûlans sanglots de la volupté. — Cette scène terminée, Mlle . Beaucontour offre de bonne grace de s’acquitter en même monnaye ; mais Lajoie l’en dispense très civilement et)

Lajoie. J’ai pour ce soir mes petits plans tout faits ; et graces au ciel, dans une heure ou deux, j’aurai quelque chose de mieux à faire que de vous mouiller le bout du doigt. Achevés-moi vos doléances.

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