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Page:Nerciat - Contes saugrenus, 1799.djvu/93

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de nous une peur affreuse, et fuiront. C’est à nous alors de tirer parti de la circonstance, et de devenir heureux.

La Ricanière. (sautant au cou de Diavolo) Que je révère en t’embrassant, le phœnix des roués subalternes ! Un écuyer comme toi mérite l’honneur de la chevalerie, reçois en l’accolade, mon cher Diavolo !… Où est mon épée.

Diavolo. Je me tiens pour armé sans le reste du cérémonial.

La Ricanière. Pour te récompenser, l’ami, tout de suite après moi, je te ferai tater de la Jannette !…

Diavolo. Et vous serés fort heureux de tater de la compagne, vous ; c’est un beau brin de fille, en vérité.

La Ricanière. Quand on en sera là, nous verrons…

Dès qu’on a diné, l’on songe à se mettre en état d’entrer en scène. Par dessus son pantalon de soye, Mr. le Chevalier chausse celui de drap verd du valet : tous deux en brodequins, en veste courte, en bonnet polonais, endossent des sabres et chacun un sac de voyage ; un pistolet pend à chaque ceinture. Dans cet horrible costume, ils sortent par derrière sans être vus, et par différens détours, ils parviennent à l’endroit dont Mr. Diavolo connait la situation et la route.

Une heure avant le coucher du soleil, et lorsque l’impatience d’avoir attendu plus de deux heures, a fort irrité les embusqués, on entend enfin un certain bruit à travers la feuillée, et des voix de femmes se font reconnaître… les voici (dit Diavolo) cachons-nous bien, et ne nous montrons que lorsqu’il en sera tems… Ils sont blotis dans les arbustes, la bande amoureuse survient, on la voit…

Jannette. Mon dieu ! Mon cher Guillot, où nous conduisés-vous ?

Dorothée. Je meurs de peur.