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CHAPITRE VII


Vengeance de Thérèse.


Préparez-vous, ami lecteur, à voir ici quelque chose d’incroyable… Mais pourquoi vous priver du plaisir de la surprise ? Lisez, et vous croirez si vous pouvez. Quant à moi, si je n’avais pas été témoin, j’aurais bien eu de la peine à me persuader la possibilité de ce que je vais vous apprendre. Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.

Il y avait déjà quelque temps que mes gens argumentaient assez haut pour que je ne perdisse pas un mot de leur entretien, quand enfin la fausse Éléonore avança ce délicat et captieux raisonnement : — Cessez, dit-elle, de vous plaindre du retard que j’apporte à votre bonheur, mon cher Caffardot : il ne tient qu’à moi, je vous l’avoue, d’engager mon père à couronner dès demain, de son consentement, le vœu qui lie déjà nos destinées ; mais l’extrême passion qui me possède ne s’accorde point avec le froid dénouement de ne devoir qu’au mariage la possession du plus aimable des mortels. L’hymen sera donc pour nous, comme pour le vulgaire, une affaire de convenance. Ah ! que ne suis-je assez heureuse pour trouver dans mon amant… ces élans passionnés… qui m’élèvent quelquefois au-dessus de ces chimères qu’on nomme devoir, honneur, vertu ! — Ah ! que dites-vous là, mademoiselle Éléonore ! quel oubli de ce que prescrit la sainte religion ! — Eh ! laisse un moment à part ta sainte religion, mon cœur, et réponds à cette simple question : si tu avais attaqué ma pudeur et que je t’eusse cédé, me mépriserais-tu ?… Refuserais-tu de m’épouser ? — Mais… non. Si j’avais promis… il faudrait bien que je tinsse parole… le parjure est un grand péché. — Eh bien ! cher Caffardot, je suis, comme toi, l’ennemie