Page:Nerciat - Félicia.djvu/109

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aussitôt Thérèse en se levant, mademoiselle, le voilà… Le laisserons-nous entrer… mademoiselle ?… » Je fus sourde. En conséquence, Thérèse me crut endormie et fut ouvrir la porte mal graissée qui fit du bruit. Cependant Caffardot fut introduit. Un moment après, pour les mettre à leur aise et pouvoir jouir de ce qui allait se passer, je fis semblant de ronfler à petit bruit.

Je supprime de peur d’ennuyer, un long entretien préparatoire où la fausse Éléonore s’arrangeait tout au mieux pour faillir sans perdre l’estime de l’amoureux Caffardot, et celui-ci pour ne point faillir, et conserver toutefois les bonnes grâces de sa maîtresse. La pudeur se montrait d’un côté bien lasse et de l’autre terriblement sur ses gardes. Le rôle de Thérèse était difficile. Cafîardot ne demandait à la véritable Éléonore que de la voir presser leur mariage : il y avait un obstacle. La mère du futur, qui savait l’aventure de l’enfant, avait fait avertir secrètement Mlle  Éléonore que, si elle persistait à vouloir épouser son fils, elle publierait cette honteuse affaire, de manière à ne lui laisser de la vie l’espérance d’épouser qui que ce fût. Éléonore, retenue par là, tâchait de traîner les choses en longueur, jusqu’à ce que la mère, qui était infirme et vieille, pût mourir ou que les principes du fils se relâchassent enfin assez pour qu’il se trouvât quelque jour dans le cas d’être pris sur certain fait et forcé d’épouser. Mais la vieille s’obstinait à vivre, et Caffardot, de marbre, ou soutenu de la grâce, avait sauvé jusqu’alors sa précieuse innocence des pièges du diable et et de Mlle  Éléonore.

Thérèse, au fait de toutes ces circonstances, était obligée, pour ne se point trahir, de régler là-dessus ses paroles et ses actions.