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CHAPITRE X


Intrigues dont le beau Monrose est l’objet.


Les travaux de la nuit avaient un peu pâli mon aimable élève. Ses yeux battus peignaient la douce langueur de la volupté : il était ravissant. Je lui conseillai cependant de se plaindre de quelque indisposition, afin de prévenir tout soupçon jaloux de la part de Sylvina. En effet, l’altération visible des couleurs de Monrose ne put lui échapper. Elle en témoignait la plus vive inquiétude. J’en fis autant, et nous nous tirâmes d’affaire.

Je me reprochais néanmoins d’avoir initié sitôt un enfant à qui les lumières qu’il venait d’acquérir pouvaient devenir fatales. Il était ardent ; je craignais pour lui le tempérament d’une femme incapable de le ménager, à qui pourtant il ne pouvait éviter d’accorder des complaisances. Je lisais dans l’avenir que, complice lui-même de sa ruine, il donnerait bientôt dans tous les excès dont ses charmes et son mérite lui procureraient la facilité. Je m’affligeais en pensant que cette belle plante allait se dessécher et périr avant sa maturité ; que, pour avoir connu trop tôt le plaisir, Monrose se livrerait aux passions et tromperait sans doute les grands desseins que la nature semblait avoir sur une créature aussi parfaite ; afin donc d’arrêter les progrès d’un mal dont j’aurais été l’auteur, j’imaginai d’exiger de Monrose qu’il se soumît entièrement à mes volontés. En conséquence, je le pressentis dès le lendemain, et feignant d’attacher la plus grande importance à ce qui s’est passé, voici ce que je lui dis, après l’avoir préparé par quelques sophismes préliminaires :

— Puisque le hasard, mon cher Monrose, n’a pas présidé seul aux liens qui viennent de se former entre nous et que