Page:Nerciat - Félicia.djvu/323

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secret dépit de ce qu’il était mon frère. On peut juger de l’accueil que lui fit ma charmante mère, par la connaissance que j’ai donnée de la tendresse de son cœur. Monrose, instruit enfin de l’affaire de Bordeaux, fit bien voir qu’il avait du bon sens. Doué d’une vraie sensibilité, loin de quitter la nature pour son ombre, il ne voulut connaître de père que celui qui lui en montrait les sentiments et en exerçait envers lui les devoirs. On le fit entrer aux mousquetaires. Il est maintenant capitaine de cavalerie, en attendant mieux.

Bientôt Sydney épousa sa chère Zéila. Les lords Kinston et Bentley furent avec nous les seuls témoins du bonheur de ce couple aimable.

Le comte se rétablit un peu. Nous nous épousâmes pour la forme seulement ; aucun des deux n’en désirait davantage. Le vieux président et son gendre, qui surent nos mariages, vinrent adroitement nous complimenter en grand deuil, en pleureuses : Mme  la présidente était morte, quelques jours auparavant, de ce qu’on sait.

Sylvina, avec un reste de physionomie qui agaçait encore, se mit en son particulier et devint une espèce de quiétiste, moitié dévote, moite galante ; elle recevait des prêtres, des femmes retirées du monde, et surtout beaucoup de ces célibataires obscurs qui s’accommodent volontiers des femmes qu’on peut avoir sans beaucoup de soins et de mérite.

Les affaires de mon mari l’appelaient en province. Mon père voulut bien l’accompagner ; ils réussirent dans tout ce qui avait été l’objet de leur voyage. De là le pauvre comte fut prendre les eaux, mais elles ne lui firent aucun bien : il mourut peu de temps après son retour, mêlant à ses derniers soupirs le nom mille fois répété de Mme  Kerlandec. Sa manie, jusque-là combattue par la raison, renaissait de la faiblesse de celle-ci.

Milady Sydney mit au monde, avant la fin de l’année, un fils qui combla les vœux du couple le plus digne des faveurs du destin.