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Page:Nerciat - Le Diable au corps, 1803.djvu/602

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LE DIABLE AU CORPS.


bientôt conduit l’ardent Chevalier au même degré de prurit que sa langue fait éprouver à Nicole ; ils sont mutuellement électrisés au même instant, et l’élixir de vie que reçoit dans sa bouche l’enchanté fellateur est aussi-tôt quadruplement restitué à celle de l’expirante fellatrice. Deux déterminés ivrognes ne vuident pas leurs verres avec autant de ferveur qu’en ont nos capricieux exaltés à savourer l’huile essentielle de Cythere. L’un et l’autre semblent desirer de tarir les sources où ils viennent de s’abreuver. — Enfin, il est tems d’avoir un moment de relâche. On reprend ses chemises après s’être bien rincé la bouche, d’abord avec de l’eau ; ensuite chacun avec un petit verre d’excellent Marasquin, dont Nicole s’est à propos souvenue d’avoir encore un flacon échappé, par bonheur, à l’intempérance du vilain Hilarion. — Après cette agréable et non moins utile restauration, nos acteurs sont forcés de céder au sommeil, car dès ce moment le Dieu de Lampsaque, qui se trouvait avec raison suffisamment honoré, refusa de seconder leurs desirs ultérieurs. Mais au réveil, qui fut un peu hâté chez le brave Rapignac par Nicole, la premiere en disposition de reprendre le fil du discours, il y eut un nouvel assaut trop semblable aux précédens pour que je doive prendre la peine de le décrire. La seule variation remarquable fut que la luronne, qui pour lors se faisait levretter, étant tombée en crise plutôt que son limeur (non pas maté, mais un peu tari), celui-ci crut qu’elle ne perdrait pas grand’chose à lui laisser darder dans le réduit voisin son essence amoureuse. Ainsi donc, en habile enfileur, il fit à l’improviste une passe de la boutonniere à l’œillet, mais cette tricherie fut si prompte, si adroite, et réussit si bien, graces à l’a-