près d’un quart d’heure le comte a gardé
le silence). — Vous êtes rêveur, monsieur le
comte, vous paraissez même affligé ; auriez-vous
quelque regret de vous être engagé
dans un pari que vous commenceriez à
craindre de perdre ? Quoique bien sûr de
vous gagner trois cents louis, je ne tiens
pas assez à pareille bagatelle pour ne
pas vous rendre, si vous voulez, votre
parole.
Le Comte. — Mon prince, vous m’offenseriez si vous me soupçonniez capable de m’attrister pour quelque argent mis au hasard. Au surplus, c’est de mille livres qu’il s’agit.
Le Prince. — Je le sais, mais je n’en parie que trois cents contre vous ; le reste est couvert par les acteurs eux-mêmes : jugez s’ils ont peur de perdre !
Le Comte. — À la bonne heure ! Et moi, je me crois très-assuré de gagner. Quant à ma rêverie, dont je vous dois des excuses, c’est un état malheureux où je passe la moitié de ma vie. C’est l’effet d’une maladie de mon esprit et la suite funeste d’un malheur dont le sentiment m’est aussi vif au