Page:Nerval - Aurélia, Lachenal & Ritter, 1985.djvu/80

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votre douceur m’était refusée !… Ma tête se dégageait, et un rayon d’espoir me guidait encore. Je me sentais la force de prier, et j’en jouissais avec transport.

Je ne m’informai pas même du nom de celui dont j’avais suivi le cercueil. Le cimetière où j’étais entré m’était sacré à plusieurs titres. Trois parents de ma famille maternelle y avaient été ensevelis ; mais je ne pouvais aller prier sur leurs tombes, car elles avaient été transportées depuis plusieurs années dans une terre éloignée, lieu de leur origine. — Je cherchai longtemps la tombe d’Aurélia, et je ne pus la retrouver. Les dispositions du cimetière avaient été changées, — peut-être aussi ma mémoire était-elle égarée… Il me semblait que ce hasard, cet oubli, ajoutaient encore à ma condamnation. — Je n’osai pas dire aux gardiens le nom d’une morte sur laquelle je n’avais religieusement aucun droit… Mais je me souvins que j’avais chez moi l’indication précise de la tombe, et j’y courus le cœur palpitant, la tête perdue. Je l’ai dit déjà : j’avais entouré mon amour de superstitions bizarres. — Dans un petit coffret qui lui avait appartenu, je conservais sa dernière lettre. Oserai-je avouer encore que j’avais fait de ce coffret une sorte de reliquaire qui me rappelait de longs voyages où sa pensée m’avait suivi : une rose cueillie dans les