Page:Nerval - Contes et Facéties, 1852.djvu/29

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déjà rare alors, et aujourd’hui noyé et perdu dans la laideur et l’insignifiance de nos têtes bourgeoises : un profil en fer de hache, front élevé mais étroit, nez très long et très bossu, et cependant ne surplombant pas comme les nez romains, mais fort retroussé au contraire, et dépassant à peine de sa pointe la bouche aux lèvres minces très avancées, et le menton rentré ; puis des yeux longs et fendus obliquement sous leurs sourcils, dessinés comme un V, et de longs cheveux noirs complétant l’ensemble ; enfin, quelque chose de souple et de dégagé dans les gestes et dans toute l’attitude du corps témoignait un drôle adroit de ses membres et brisé de bonne heure à plusieurs métiers et à beaucoup d’autres.

Son habillement était un vieux costume de bouffon, qu’il portait avec dignité ; sa coiffure, un grand chapeau de feutre à larges bords, extrêmement froissé et recroquevillé ; maître Gonin était le nom que tout le monde lui donnait, soit à cause de son habileté et de ses tours d’adresse, soit qu’il descendît effectivement de ce fameux jongleur qui fonda, sous Charles VII, le théâtre des Enfants-sans-Souci et porta le premier le titre de Prince des Sots,