Page:Nerval - Contes et Facéties, 1852.djvu/55

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sa boutique et ne parla point à sa femme de la scène de la veille, comme elle évita, de son côté, d’y faire la moindre allusion. Ils déjeunèrent silencieusement ; après quoi Javotte alla, comme à l’ordinaire, s’établir sous le parapluie rouge, laissant son mari occupé, avec sa servante, à visiter une pièce de drap et à en marquer les défauts. Il faut bien dire qu’il tournait souvent les yeux vers la porte, et tremblait à chaque instant que son redoutable parent ne vînt lui reprocher sa couardise et son manque de parole. Or, vers huit heures et demie, il aperçut de loin l’uniforme de l’arquebusier poindre sous la galerie des piliers, encore baigné d’ombres comme un reître de Rembrandt, qui luit par trois paillettes, celle du morion, celle du haubert et celle du nez ; funeste apparition qui s’agrandissait et s’éclaircissait rapidement, et dont le pas métallique semblait battre chaque minute de la dernière heure du drapier.

Mais le même uniforme ne recouvrait point le même moule, et, pour parler plus simplement, c’était un militaire compagnon de l’autre, qui s’arrêta devant la boutique d’Eustache, remis à grand’peine de sa frayeur, et lui