Page:Nerval - Contes et Facéties, 1852.djvu/78

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en ont vingt ou trente ans, et davantage.

Un ancien disait : « L’heure qui vous a donné la vie l’a déjà diminuée. » Vous êtes en la mort pendant que vous êtes en la vie, car, quand vous n’êtes plus en vie, vous êtes après la mort ; ou, pour mieux dire, et bien terminer : la mort ne vous concerne ni mort ni vif, vif parce que vous êtes, mort parce que vous n’êtes plus !

Qu’il vous suffise, mon ami, de ces raisonnements, pour vous bien encourager à boire cette absinthe sans grimace, et méditez encore d’ici là un beau vers de Lucretius dont voici le sens :

« Vivez aussi longtemps que vous pourrez, vous n’ôterez rien à l’éternité de votre mort ! »

Après ces belles maximes quintessenciées des anciens et des modernes, subtilisées et sophistiquées dans le goût du siècle, maître Gonin releva sa lanterne, frappa à la porte du cachot, que le geôlier vint lui rouvrir, et les ténèbres retombèrent sur le prisonnier comme une chape de plomb.