Page:Nerval - La Mort de Talma, 1826.djvu/3

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Un regret plus profond nous a frappés naguère ;
          Le modèle du citoyen,
De notre liberté le plus digne soutien,
          Est descendu dans la poussière ! —
Mais encore une fois le sol s’est divisé ;
          C’est une autre fosse qu’on ouvre ;
          Près de la terre qui le couvre,
          Un nouveau tombeau s’est creusé !

          Qu’attend-il ? Quelle autre victime
          Doit y descendre cette fois ? —
          C’est cet interprète sublime
          Qui fit souvent parler les rois :
A sa vue, à ses traits, vers les jours d’un autre âge
          L’homme se croyait transporté,
          Et dans sa voix, dans son visage,
          Vivait toute l’antiquité.

          Héros de la Grèce et de Rome,
          O vous, l’honneur des temps passés,
          Vous tombez avec le grand homme
          Qui vous a si bien retracés.
          Il meurt, ce flambeau de la scène
          Que long-temps son souffle anima ;
          Pleurez, amants de Melpomène,
          Pleurez Talma ! Pleurez Talma !

Ah ! chargez de lauriers la terre enorgueillie ;
          Des lauriers, des lauriers encor ;
          Français, la gloire et le génie
          Perdent leur plus riche trésor !
Qui pourra jamais rendre une telle espérance
          Aux arts surpris et triomphants ?
          Il faut des siècles à la France
          Pour produire de tels enfants.