Page:Nerval - Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868.djvu/178

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OCTAVIE
OU
L’ILLUSION


Ce fut au printemps de l’année 1835 qu’un vif désir me prit de voir l’Italie. Tous les jours en m’éveillant j’aspirais d’avance l’âpre senteur des marronniers alpins ; le soir, la cascade de Terni, la source écumante du Téverone jaillissaient pour moi seul entre les portants éraillés des coulisses d’un petit théâtre… Une voix délicieuse, comme celle des sirènes, bruissait à mes oreilles, comme si les roseaux de Trasimène eussent tout à coup pris une voix… Il fallut partir, laissant à Paris un amour contrarié, auquel je voulais échapper par la distraction.

C’est à Marseille que je m’arrêtai d’abord. Tous les matins, j’allais prendre les bains de mer au château Vert, et j’apercevais de loin en nageant les îles riantes du golfe. Tous les jours aussi, je me rencontrais dans la baie azurée avec une jeune fille anglaise, dont le corps délié fendait l’eau verte auprès de moi. Cette fille des eaux, qui se nommait Octavie, vint un jour à moi, toute glorieuse d’une pêche étrange qu’elle avait faite. Elle tenait dans ses blanches mains un poisson qu’elle me donna.

Je ne pus m’empêcher de sourire d’un tel présent. Cependant le choléra régnait alors dans la ville, et, pour éviter les quarantaines, je me résolus à prendre la route de terre. Je vis Nice, Gênes et Florence ; j’admirai le Dôme et le Baptistère,