ÉMILIE
SOUVENIRS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
— … Personne n’a bien su l’histoire du lieutenant Desroches, qui se fit tuer l’an passé au combat de Hambergen, deux mois après ses noces. Si ce fut là un véritable suicide, que Dieu veuille lui pardonner ! Mais, certes, celui qui meurt en défendant sa patrie ne mérite pas que son action soit nommée ainsi, quelle qu’ait été sa pensée d’ailleurs.
— Nous voilà retombés, dit le docteur, dans le chapitre des capitulations de conscience. Desroches était un philosophe décidé à quitter la vie : il n’a pas voulu que sa mort fût inutile ; il s’est élancé bravement dans la mêlée ; il a tué le plus d’Allemands qu’il a pu, en disant : « Je ne puis mieux faire à présent ; je meurs content. » Et il a crié : Vive l’empereur ! en recevant le coup de sabre qui l’a abattu. Dix soldats de sa compagnie vous le diront.
— Et ce n’en fut pas moins un suicide, répliqua Arthur. Toutefois, je pense qu’on aurait eu tort de lui fermer l’église…
— À ce compte, Vous flétririez le dévouement de Curtius. Ce jeune chevalier romain était peut-être ruiné par le jeu, malheureux dans ses amours, las de la vie, qui sait ? Mais, assurément, il est beau, en songeant à quitter le monde, de